Emmanuelle Béart - Il y a cette phrase tirée d'un poème japonais que j'adore. ..

Catherine Corsini - Attention, là, c'est le moment culturel !

Emmanuelle Béart- et qui correspond parfaitement à ton film, c'est : " Telle est la vie : tomber sept fois, se relever huit. "

Catherine Corsini - C'est dans tes tarots que t'as trouvé ça ? (Rires.) En tout cas, c'est tout à fait moi. Je me vois bien tomber sept fois, me relever huit, voire neuf. ..

Emmanuelle Béart - En parlant de tomber et de se relever, c'était bien, Cannes ?

Catherine Corsini - Pourquoi ? Tu n'y étais pas ? (Rires.)

Emmanuelle Béart - Si, mais je n'ai pas forcément ressenti les choses de la même manière que toi. Comment as-tu vécu le Festival ?

Catherine Corsini - Avec des hauts et des bas. Tomber sept fois, se relever huit! (Rires.)

Emmanuelle Béart - C'était important pour le film d'y aller ?

Catherine Corsini – Je ne sais pas. C'est plus au distributeur d'en juger. De toute façon, c'est difficile de refuser d'aller à Cannes en sélection officielle. Tu as forcément envie de vivre un tel moment. ..

Emmanuelle Béart- As-tu été émue

Catherine Corsini - Très. ..

Emmanuelle Béart - (Surprise.) C'est vrai?

Catherine Corsini - Oh, oui ! C'était comme si je me mariais. ..

Emmanuelle Béart - Non ? ! Et la montée des marches ?

Catherine Corsini - Là encore, j'ai été très émue. Ça ne s'est peut-être pas vu, mais c'était magique. Tu te dis que ça n'arrivera peut-être pas deux fois dans ta vie. ..

Emmanuelle Béart - Comment as-tu vécu la projection officielle ?

Catherine Corsini - D'habitude, je n'aime pas voir mon film en public, mais là, dans cette salle immense, c'était impressionnant. Je me sentais calme. Je ne sais pas si j'ai bien regardé le film. D'ailleurs, je ne l'ai pas vraiment regardé, j'écoutais plutôt les gens... je guettais leurs réactions… Ils semblaient réceptifs…

Emmanuelle Béart - Penses-tu que Pascale et moi avons parfois entraîné mais aussi.

le film dans une direction que tu n’avais pas prévue au départ ?

Catherine Corsini - Quand je me lance dans un film, je me laisse entraîner vers ce que j'entrevois des acteurs et, en même temps, je les ramène tout le temps vers le sujet. Pascale et toi, vous avez deux manières très différentes de travailler. D'un côté, il y a Pascale, qui a besoin d'être dirigée, qui fait ce que tu lui dis de faire, mais qui n'amène pas forcément un espace de liberté pour que tu l'entraînes ailleurs... De l'autre, il y a toi, qu'on peut suivre dans ces circonvolutions, dans ces zones d'ombres vers lesquelles tu glissais et qui donnaient une autre perspective au film.

Emmanuelle Béart – C'est quelque chose que tu as toujours maîtrisé ?

Catherine Corsini - Il y a un moment où, d'instinct, tu te laisses aller à filmer ce qui te fait plaisir, à aller là où tu sens qu'il se passe quelque chose. :. Alors, effectivement, peut-être que, parfois, je me laissais un peu trop entraîner. En même temps, j'avais envie de voir jusqu'où vous alliez m'emmener. Je ne savais pas toujours ce que j'allais trouver au bout, mais je sentais que le film y gagnerait. ..

Emmanuelle Béart - T'es-tu rendu compte à quel point, parfois, c'était difficile pour nous ?

Catherine Corsini - Non, je crois toujours que c'est du chiqué quand les acteurs disent que c'est difficile. Pour moi, c'est un métier facile. ..

Emmanuelle Béart - Tu penses réellement que les acteurs font un métier facile ?

Catherine Corsini - Oui, parce qu'ils sont tout de même protégés. Bien sûr que c'est difficile, mais tu ne prends des risques qu'avec toi-même. On fait des métiers qu'on a choisi de faire, donc je m'insurge contre le bureau des plaintes !

Emmanuelle Béart - Ce ne sont pas des plaintes, mais…

Catherine Corsini - Je n'ai pas de compassion par rapport à ça. Tu as voulu être actrice, personne ne t'a obligée. Peut-être aussi que quand c'est difficile, c'est là qu'il se passe vraiment quelque chose. ..

Emmanuelle Béart -(Long silence.) Pas forcément. Bon, d'accord, ce tournage n'était pas du tout difficile! (Rires.)

Catherine Corsini - Tu vois !

Emmanuelle Béart - En tout cas, au-delà de ce que j'ai pu trouver facile ou pas, il y a eu une véritable osmose entre nous. Les choses étaient fluides. On parlait le même langage…

Catherine Corsini - On discutait…

Emmanuelle Béart - …peu !

Catherine Corsini - On n'était pas toujours…

Emmanuelle Béart - …d'accord! Mais même si ça ne m'a pas toujours paru évident, j'ai le souvenir d'un tournage où chacun savait où il allait. Je n'ai pas l'impression que tu aies dû forcer les choses. De toute façon, je comprends de moins en moins ce qu'est la direction d'acteurs. Je suis incapable d'en parler. Et toi?

Catherine Corsini – Je n'aime pas ce terme, diriger, parce que cela me fait penser à l'armée et, que .Je n al pas du tout envie d être comparée à un colonel ou à un sergent. Le travail avec les acteurs, c'est beaucoup une question d'écoute. Mais l'essentiel, c'est avant tout de choisir le bon acteur pour le bon rôle. Le film se joue là. ..

Emmanuelle Béart - Et comment tu sais que c'est la bonne personne ?

Catherine Corsini - Parce que je passe huit mois, un an, à ressasser, à réfléchir... C'est là, finalement, que je construis le plus le personnage. Je procède par élimination: telle actrice va m'apporter ça; alors qu'avec telle autre, j'aurai ça. ..

Emmanuelle Béart - En fait, ma grande force, c'est que j'arrive toujours la dernière. Au début, personne ne m'envisage et, au dernier moment, c'est moi qu'on choisit. (Rires.)

Catherine Corsini - Mais c'est vachement bien d'arriver en dernier. Ça donne plus de liberté… On n'a pas le regret de telle ou telle actrice…

Emmanuelle Béart - Maintenant, pour parler d'autre chose, j'aimerais bien que tu me rendes ma veste noire…

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