Samedi 9 juin. Emmanuelle Béart et Catherine Corsini se retrouvent plus d’un mois après la première rencontre organisée par Studio (voir n°167). Entre-temps, il y a eu la présentation de La répétition à Cannes, où le film, et notamment la prestation des deux comédiennes, a été bien accueilli. Depuis leur voyage sur la Croisette, les deux femmes se sont parlé au téléphone, mais ne se sont pas revues. Heureuses d’être à nouveau réunies, elles se taquinent gentiment. Se balancent quelques vannes. Et, Emmanuelle Béart ouvre le feu des questions. En effet, cette fois, c'est à elle d'interviewer Catherine Corsini…

Emmanuelle Béart – Comment résumerais-tu La répétition à quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de ton film ?

Catherine Corsini - C’est l'histoire de deux jeunes filles, Nathalie et Louise, qui ont rêvé leur vie ensemble, qui se sont quittées, qui se retrouvent et dont l'une a réalisé son rêve et autre pas. ..

Emmanuelle Béart - Comment définirais-tu, en quelques mots, ces deux filles ?

Catherine Corsini - Pour Louise jouée par Pascale Bussières, je dirais cérébrale, viscérale, obsessionnelle, même un peu érotomane sur les bords. Quant à Nathalie [Emmanuelle Béart], les premiers mots qui me viennent à l'esprit quand je pense à elle, c'est liberté, courant d'air, générosité, affectivité. Elle est insaisissable dans ses sentiments. Changeante. Actrice au départ, actrice à l'arrivée !

Emmanuelle Béart - Que ressentent- elles en se retrouvant dix ans après ?

Catherine Corsini - Pour Louise, Nathalie symbolise tout ce qu'elle a raté. Tout ce qu'elle s'est jusqu'à présent caché resurgit alors : sa part d'enfance, ses rêves. Ça lui revient comme un boomerang alors qu'elle avait cherché à oublier tout ça. Pour Nathalie, Louise est un regret. Elle éprouve une certaine nostalgie à la revoir. D'autant plus qu'elle n'a jamais vraiment compris pourquoi il y avait eu une telle rupture entre elles deux.

Emmanuelle Béart - A propos du film, tu ne dis pas que c'est une histoire d'amitié, mais plutôt une histoire d'amour…

Catherine Corsini - Peut-être que, pour moi, l'amitié n'existe pas et qu'il n'y a qu'un sentiment d'amour vis-à-vis des gens. En tout cas, à partir du moment où une amitié est aussi forte et aussi passionnelle que celle-là, c'est qu'il y a des choses qui sont de l'ordre de l'amour. C'est une amitié où les sentiments sont tellement exaltés, puissants, que cela devient une histoire de possession, de vampirisation, de jalousie, de mainmise Il y a de l'amour mais aussi. de la haine entre ces deux femmes, de la rancœur, toutes ces choses que l'une n'a pas vécues mais qu'elle aurait aimé vivre. Ce sont deux personnes qui se rencontrent et qui s'attirent. Mais, dans leur attirance, il y a du bon et du mauvais. Ces deux femmes se font autant de bien que de mal. C'est "ni avec toi, ni sans toi".

Emmanuelle Béart - y a-t-il un des deux personnages que tu aimes plus que l’autre ?

Catherine Corsini -(Silence.) Non. En tout cas, ça ne me vient pas spontanément. Je vois ces deux femmes comme un binôme. De toute façon, elles sont tellement dépendantes l'une de l'autre que je suis incapable d'avoir une préférence. ..

Emmanuelle Béart - Est-ce que Louise désire Nathalie ?

Catherine Corsini - Elle l'envie. C'est plus de l'envie que du désir... Mais, entre elles deux, tout remonte à l'adolescence. Elles n'ont pas fait le deuil de leur enfance. C'est pour ça que j'ai filmé leur jeunesse et la tentative de suicide de Louise, parce qu'elle ne se sent pas à la hauteur de Nathalie Je voulais montrer le côté excessif qu'on peut avoir à cet âge-là, quand tu es pris dans des histoires dans lesquelles tu te donnes à fond. ..

Emmanuelle Béart - Je n’ai pas connu d'amitié aussi forte et prenante que celle du film. Peut-être que je n'avais pas le temps pour ça, parce qu'à 18 ans, j'étais déjà dans la vie, je travaillais. Cela dit, je n'étais pas attirée vers des choses aussi extrêmes. Je n'ai jamais senti ma vie en danger à cause de quelqu'un. ..

Catherine Corsini - Moi non plus, mais c'est quelque chose que j'ai pu observer autour de moi. Notamment à travers certains suicides. A l'adolescence, on veut disparaître pour des choses qui, des années plus tard, paraissent puériles mais qui, à cet âge-là, sont complètement vitales.

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